Une invention millénaire
Les amphores font partie des plus anciennes inventions de lâhumanitĂ© en matiĂšre de conservation et de transport de liquides. On en retrouve des traces dĂšs le 4e millĂ©naire avant J.-C., notamment en MĂ©sopotamie et en Ăgypte, mais ce sont surtout les GĂ©orgiens qui ont Ă©tĂ© les vĂ©ritables pionniers de lâusage Ćnologique des amphores.

En GĂ©orgie, les qvevris, grandes jarres en terre cuite enfouies dans le sol, sont utilisĂ©es depuis plus de 8 000 ans pour fermenter, Ă©lever et stocker le vin. Cette tradition est tellement enracinĂ©e quâelle a Ă©tĂ© classĂ©e au patrimoine culturel immatĂ©riel de lâhumanitĂ© par lâUNESCO.
Abandonnées, puis redécouvertes
Avec le temps, les amphores ont été progressivement remplacées par les barriques en bois, plus pratiques pour le transport et la gestion des volumes. Mais depuis les années 1990-2000, une nouvelle génération de vignerons a commencé à réexplorer cette méthode ancestrale, notamment dans les mouvances du vin nature et de la biodynamie.

Pourquoi ce retour ? Parce que lâamphore offre des avantages techniques et philosophiques uniques :
âš Micro-oxygĂ©nation naturelle sans intervention mĂ©canique đ NeutralitĂ© aromatique : aucun arĂŽme boisĂ©, le vin exprime uniquement le fruit et le terroir đĄïž Bonne inertie thermique : la tempĂ©rature varie lentement, ce qui est bĂ©nĂ©fique pour la fermentation
Un usage qui sâĂ©tend, mĂȘme Ă Bordeaux
Lâamphore nâest plus lâapanage des vignerons marginaux ou « alternatifs ». Elle sĂ©duit aujourdâhui des domaines prestigieux, y compris dans des rĂ©gions traditionnelles, trĂšs ancrĂ©es dans lâusage de la barrique, comme Bordeaux.
Par exemple :
Le ChĂąteau Pontet-Canet (5e Grand Cru ClassĂ© Ă Pauillac) utilise des amphores en bĂ©ton ou en argile pour une partie de ses Ă©levages. ChĂąteau Durfort-Vivens lâintĂšgre dans tous ces vins, pour certain cela reprĂ©sente mĂȘme 80% de lâĂ©levage en amphore.
Le ChĂąteau La Dominique Ă Saint-Ămilion a introduit les amphores pour des micro-vinifications afin de prĂ©server la puretĂ© du fruit. Le ChĂąteau Le Puy, rĂ©fĂ©rence du vin nature bordelais, travaille Ă©galement avec la terre cuite.
On les retrouve aussi dans des domaines de la Loire, du Languedoc, du RhÎne, en Bourgogne, en Italie (notamment chez COS ou Gravner), en Espagne (tinajas), et bien sûr en Géorgie.
Pas seulement pour le vin
Lâusage des amphores ne se limite pas Ă lâunivers viticole. On les retrouve Ă©galement :
En olĂ©iculture : pour la fermentation ou la conservation de certaines huiles dâolive haut de gamme. Dans la brasserie artisanale : certaines biĂšres de fermentation spontanĂ©e sont Ă©levĂ©es en amphore. En parfumerie et cosmĂ©tique naturelle : pour la macĂ©ration dâingrĂ©dients sans interaction chimique. En architecture Ă©cologique : utilisĂ©es comme Ă©lĂ©ments dâhumidification naturelle dans certaines constructions bioclimatiques.
Une technologie douce au service du vin
Ce quâon appelle aujourdâhui « technologie douce » dans le vin, câest une forme de maĂźtrise sans artifice, oĂč la forme, le matĂ©riau et lâenvironnement suffisent Ă influencer positivement lâĂ©volution du vin. Les amphores en sont une parfaite illustration.
Elles ne sont ni rĂ©trogrades, ni uniquement symboliques : elles offrent une alternative sĂ©rieuse Ă la barrique et Ă lâinox, notamment pour des vins oĂč lâexpression du raisin prime sur le style de lâĂ©levage.
đ En rĂ©sumĂ©
Les amphores sont lâun des plus anciens outils de vinification, avec 8000 ans dâhistoire. Leur retour dans les caves modernes sâinscrit dans une recherche de puretĂ©, dâĂ©quilibre et dâauthenticitĂ©. Elles sont utilisĂ©es aujourdâhui par des vignerons innovants⊠et mĂȘme par des grands noms bordelais. Plus quâun effet de mode, elles incarnent une vision durable et artisanale du vin.